Le juge des référés du tribunal administratif de Besançon a fait droit à la demande du préfet du Doubs de suspendre l’exécution des arrêtés des maires d’Audincourt et de Boussières interdisant l’utilisation de tout produit contenant du glyphosate.
Les faits :
Dans la lignée du maire de Langouët (Ille-et-Vilaine), une cinquantaine d’élus ont pris des arrêtés réglementant ou interdisant l’usage de pesticides. Dans le Doubs, les maires d’Audincourt et de Boussières ont ainsi interdit l’utilisation de tout produit contenant du glyphosate sur l’ensemble du territoire de leur commune.
Face au refus des maires de revenir sur leurs décisions, le préfet a saisi le tribunal administratif de Besançon afin d’obtenir l’annulation de ces arrêtés. Comme la loi lui en donne la possibilité, il a assorti ses recours de référés afin d’en obtenir la suspension de l’exécution.
La décision du juge des référés :
Le juge des référés estime que la police des produits phytopharmaceutiques est exclusive des pouvoir de police générale du maire.
La police qui a été définie comme une « réglementation préalable des activités humaines »[1] , peut-être générale lorsqu’elle vise à assurer l’ordre, la sûreté, la sécurité et la salubrité publics ou spéciale lorsque son objet est spécialisé dans un domaine.
La règlementation des produits phytopharmaceutiques, régie par le code rural et de la pêche maritime, est une police spéciale appartenant aux autorités de l’Etat (ministres de l’agriculture, de l’environnement, de la santé et de la consommation et, localement, les préfets).
Par conséquent, il appartient à ces seules autorités de prévoir l’interdiction ou l’encadrement de l’utilisation des produits phytopharmaceutiques pour tout le territoire, y compris dans certaines zones telles que celles utilisées par les «habitants fortement exposés aux pesticides sur le long terme». Le Conseil d’État vient d’ailleurs d’annuler l’arrêté du 4 mai 2017 relatif à la mise sur le marché et à l’utilisation des produits phytopharmaceutiques, notamment parce que cet acte ne prévoyait pas de dispositions destinées à protéger les riverains des zones traitées par des produits phytopharmaceutiques. Le Conseil d’État a également enjoint à quatre ministres (transition écologique et solidaire, agriculture, économie et santé) de prendre les mesures réglementaires dans un délai de six mois[2]. Ce délai n’est toujours pas écoulé aujourd’hui.
Compte tenu de ce pouvoir complet des autorités de l’Etat, le juge des référés estime qu’il n’y a pas de place pour l’utilisation par des maires de leur pouvoir de police générale. Il s’inscrit ainsi dans la jurisprudence du juge des référés du tribunal administratif de Rennes concernant également un arrêté réglementant l’usage du glyphosate, mais aussi dans celle du Conseil d’Etat relative à la navigation aérienne, aux antennes relais, aux OGM ou aux compteurs Linky.
[1] J.-H. Stahl et X. Domino, « Antennes de téléphonie mobile : quand une police spéciale d'Etat évince la police municipale », AJDA 2011, p. 2219.
[2] CE 26 juin 2019, Association Générations Futures et Association Eau et rivières de Bretagne, n° 415426-415431